2022 nov Le projet de méthaniseur a été voté en Conseil d’Agglo, malgré les réticences des élus de Guéret (Creuse)

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Jeudi, les élus communautaires devaient se prononcer quant au projet de méthaniseur en zone nord de Guéret. Et il n’y a pas eu unanimité lors du Conseil d’Agglo.

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Ces dernières semaines, il a été au centre de beaucoup de questionnements parmi les élus de l’Agglo. Le projet de “Biogaz du Grand-Guéret”, méthaniseur qui, s’il est autorisé, devrait entrer en activité début 2024 et fournir 7,4 % de la consommation de gaz du Grand Guéret, ne remporte décidément pas les suffrages de tous. Et surtout pas des élus de Guéret.
En conseil municipal lundi dernier déjà, ils avaient voté contre. « La méthanisation? est un procédé alternatif sur lequel il faut avancer mais il nous manque des garanties sur le projet qui nous est présenté », précise l’adjoint à la Ville de Guéret, Guillaume Viennois qui reste, comme le reste des élus guérétois sur des « réticences » et des « réserves ».

La crainte d’une pression sur le modèle agricole creusois

L’audit demandé auprès des porteurs de projet (Engie BiOZ), à l’Ademe et à l’association France nature environnement 23 n’a pas convaincu, soulevant davantage de questions qui ont été remises sur la table de l’Agglo.
Un approvisionnement d’intrants organiques (12.000 tonnes/an) dans un rayon de 20 km maximum qui inquiète les élus guérétois par sa nature, sa quantité et son origine. Surtout concernant les cultures dédiées, dites cultures intermédiaires à vocation énergétique qui ne devraient pas composer plus de 10 % des apports. « Moi, personnellement, je ne suis pas pour les cultures dédiées, affiche le président de l’Agglo, Éric Correia, favorable au projet. La législation dit qu’on peut aller jusqu’à 15 % de cultures dédiées, je suis partisan d’être plus proche de zéro mais on se rend compte qu’il en faut dans tous les projets », rappelle-t-il et de citer l’exemple de Châteauroux dont le réseau de bus roule au colza. « Pensez-vous qu’il n’y a pas de culture dédiée pour ces bus ? Pourtant tout le monde se réjouit d’avoir des bus verts ! ».
Malgré tout, les élus guérétois partagent les craintes de FNE 23 quant à une « utilisation accrue » de ces cultures (composées de ligneux, maïs ou tournesol), qui « abîmerait notre modèle agricole creusois », en incitant les agriculteurs à renforcer les productions intensives sur des terres d’élevage, s’inquiète Guillaume Viennois. « Et s’ils ne parviennent pas à fournir ce pourcentage ? Ça veut dire qu’on ira en chercher plus loin ? En multipliant les conséquences en termes de coût, de transport ? ».
Autant de questions que François Barnaud, vice-président en charge du développement économique, assure qu’elles trouveront des réponses et que les accords sont en train d’être formalisés avec les agriculteurs locaux.
L’apport en fumier pose aussi question dans le modèle agricole creusois, aujourd’hui majoritairement extensif. « On est dans une agriculture où les bêtes sont dehors, récupérer davantage de fumier facilement, ça veut dire changer le mode d’élevage ? Il y a une vraie question sur la faisabilité et l’approvisionnement.  » Ils s’interrogent enfin sur le bénéfice qu’en retireraient les agriculteurs pour qui la transaction serait pur troc : du fumier contre du digestat. « Qui est la plupart du temps stérile, dépourvu de carbone [1] », note Gilles Brunati, élu de Guéret, « alors que le fumier est un amendement qui aurait été utilisé sans la méthanisation !  ».
Le méthaniseur utilisera aussi en partie les déchets verts et les tontes municipales et/ou des particuliers, une solution intéressante pour gérer et valoriser ces reliquats. Mais « à Guéret, on a des tontes dégradées avec du plastique, des mégots, des déchets, relève Guillaume Viennois et la réponse qui nous est donnée, c’est qu’on ne pourra pas les utiliser… » Là encore, des réponses seront données assure François Barnaud. « Les gens se posent des questions et c’est légitime. On est dans un déroulement classique de projet. On est sur une idée, on étudie sa faisabilité, il y a des freins à lever et puis on avance, on va plus loin », circonstance le vice-président, qui insiste pour laisser le temps administratif suivre son cours. « J’ai confiance en l’Ademe, s’ils me disent que ce projet tient la route, je n’ai pas la prétention de leur dire [TEXTE MANQUANT].

Quid de la sécurité autour d’un site si proche de la ville ?

Gilles Brunati a aussi formulé des réserves sur la localisation du futur méthaniseur, qu’il juge dangereuse en cas de fuite ou d’incident plus grâce. La proximité des établissements Picoty classés site Seveso, de la zone naturelle du marais du Chancelier à Saint-Fiel, des centres commerciaux, du collège Martin-Nadaud et d’habitations l’inquiète. « Pas de trace au dossier de plan de maîtrise des risques ! », s’alarme l’élu guérétois qui insiste encore sur la nature du sol sous l’installation qu’il assure être du « remblai ». Le financement bien évidemment est aussi venu sur la table. encore Gilles Brunati. « On nous parle d’un budget de 6,4 millions d’euros mais on ne sait pas d’où ça vient et à qui ça va profiter ?  ».

Guillaume Viennois salue les bonnes intentions « que l’on croit sincères », des porteurs de projet mais rappelle que le projet appelle un investissement conséquent et explique son vote défavorable. « Je crains que la nécessité économique de le faire fonctionner l’emporte sur les engagements de principe aujourd’hui.  »

Un mix énergétique qui n’empêche pas la sobriété

Gilles Brunati préfère miser sur plus de sobriété énergétique. « Tout cela pour 7 % de la consommation de gaz annuelle du Grand Guéret. Est-ce qu’il ne serait pas plus sécurisant et moins risqué pour tout le monde de baisser nos consommations de 7 % ?  », interroge-t-il. Un nécessaire chemin vers plus de sobriété qui n’exclut pas de trouver des solutions pour avancer dans la transition énergétique précise Éric Correia.
Car qui dit attractivité, dit gain de population, et donc davantage de consommation d’énergie.

« Ça fera 7 % de besoin en gaz naturel en moins sur l’Agglo dans un contexte géopolitique où on se demande comment on peut faire sans le gaz russe… Je crois aux solutions à l’échelle du territoire pour diminuer notre dépendance aux énergies fossiles et notre dépendance à l’extérieur », souligne le président de l‘Agglo. De cela, tout le monde convient mais tous ne sont pas convaincus que ce projet de méthanisation soit « une réponse appropriée ».
Pour les élus qui ont voté contre le projet, 14 au total et une abstention, il apparaît « surdimensionné » et « pas suffisamment travaillé ». La majorité a suivi le président de l’Agglo qui s’est engagé, avant que ne soit signé le permis de construire, à revoir les élus communautaires pour apporter des réponses à leurs questions.

Julie Ho Doa
La Montagne, édition Creuse, 23 octobre 2022. Tous droits réservés
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[1Le carbone est nécessaire à la fabrication de l’humus, garant du stockage d’eau et de la qualité des sols.


samedi 15 avril 2023